Une petite poule occupe mon
appartement en ce moment. Je l’ai ramenée de la campagne et elle s’est trouvé
un petit coin dans une des pièces qui ne me sert pas vraiment ou alors de
débarras. Cette petite poule est rustique et je l’aime bien, même si elle me
fait parfois des scènes d’une violence inouïe. C’est qu’elle a son caractère
aussi !
Elle est nerveuse bien
qu’elle ne soit pas d’un naturel très agité : c’est une poule
intellectuelle et elle passe la majeure partie de son temps à jouer aux échecs.
Elle est d’ailleurs classée et d’un niveau tout à fait respectable. Disons tout
simplement qu’elle se défend bien pour une poule de la campagne.
J’ai déjà joué de nombreuses
parties avec elle et à chaque fois j’ai perdu. Non pas parce qu’elle est beaucoup
plus forte que moi (j’ai également un niveau respectable aux échecs si vous
voulez tout savoir) mais elle a une façon de vous regarder lorsque c’est à
votre tour de jouer. Cela me déstabilise au plus haut point et me pousse de
fait à commettre des erreurs monumentales.
Elle tourne la tête d’un côté
ou de l’autre (elle ne vous regarde jamais avec les deux yeux à la fois) et
vous dévisage presque. Pourtant, je n’arrive jamais à savoir si elle s’amuse ou
si elle s’ennuie en ma compagnie. Peut être n’aime-t-elle pas mon style, qui
sait ? C’est une poule intellectuelle, une joueuse d’échecs à plein
temps : elle préférerait sans doute se mettre autre chose sous la
dent !
Je lui ai déjà présenté
quelques-uns de mes amis, des passionnés du jeu d’échecs comme moi ayant des
niveaux et des styles très différents. Elle n’a jamais voulu disputer une
partie avec eux. Quand quelqu’un est dans la maison, joueur d’échecs ou pas,
elle se contente de battre des ailes en caquetant à qui mieux mieux. A de rares
moments, je dois avouer que c’est un spectacle effrayant.
Ma poule a un petit faible
pour les blancs mais je suis obligé de reconnaître qu’elle est aussi à l’aise
avec les noirs. Ses coups sont précis, fluides et reflètent une grande
maturité. À l’issue de nos parties, je suis littéralement soufflé par une telle
maîtrise du jeu.
Le matin, lorsque je me lève,
je la trouve toujours sur le tapis en train d’étudier les parties d’échecs des
joueurs illustres. Je retrouve parfois des pièces ici et là sous les meubles car
elle aime se détendre en les poursuivant sur le sol à l’aide de son bec. Par
exemple, elle adore faire de petites entailles sur le bois sculpté mais c’est
une manie qui est en train de lui passer, fort heureusement. Aux échecs, ma
petite poule déteste la pendule : je mets cela sur le compte du tic-tac
qui doit passablement l’énerver. J’ai déjà observé par ailleurs qu’elle avait
l’ouïe délicate.
Quand elle ne joue pas aux échecs, elle monte sur son
meuble préféré (une vieille commode en pitchpin achetée dans une brocante) et
elle s’endort paisiblement en rêvant probablement à des ouvertures d’un autre
genre. Une dernière chose : je ne l’ai jamais vue faire un œuf. By Armando Aprile (Milano).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire